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IlLustration de "Le pont du milieu" , ecrit et interprété par Farid Chopel ©
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Affichette du spectacle "Le pont du milieu" , écrit et interprété par Farid Chopel ©

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



P r e s s e



8 novembre 2004
Une vie en partage


A Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, il y a des collines, des cités, des pavillons d’ouvriers qui peu à peu sont rachetés par des représentants des couches moyennes qui aspirent à une maison, foin de l’habitat collectif, et il y a trois théâtres. C’est beau.

C’est audacieux. C’est réconfortant. Le Théâtre du Samovar, qui s’appuie sur une école de clowns, est tout simple, mais il a l’essentiel : un bar, parce que c’est un moment de luxe, la sortie au théâtre, c’est un moment où on choisit de ne pas être pressé, et de prendre le temps d’en profiter, et où il est bon de pouvoir s’asseoir dix minutes pour regarder, bavarder, être présent, pour le seul bonheur d’être présent, et il a, ce théâtre, l’autre élément essentiel, un beau plateau, une scène bien équipée, et ça suffit, on est au théâtre, et on vient voir, comme ça, une curiosité, Farid Chopel.

Jadis, il était une vedette, Farid Chopel, on en avait entendu parler, ah oui, Chopélia, mais on n’avait rien vu de lui. Tiens, c’est curieux, il resurgit. C’est souvent intéressant, de voir des artistes où on ne les attend pas forcément. Autrefois, on a vu comme ça Nina Simone, au Duc des Lombards. Nina Simone ? Au Duc ? Ce n’est pas un peu petit pour elle ? On y était allé, un peu incertains, c’était bien là, et c’était bien elle. Nina Simone passait dans le public qui n’était pas pléthorique. On était dans un club de jazz, et c’était splendide. Quelques années plus tard, elle passait au Palais des Congrès : pas eu envie d’y aller voir. On avait ressenti, au Duc des Lombards, sans vouloir se vanter, l’émotion Nina. La voix toute proche, une façon de se réinventer souveraine et violente, sans filet, sans la protection du show, dans la nudité d’une carrière accidentée, qui retrouve la simple urgence du chant à partager.

C’est un moment de ce genre-là qu’on a connu avec Farid Chopel, au Samovar.

Un one-man-show. Exercice difficile, où très souvent le comédien fait... l’intéressant : pas de temps mort, de l’énergie, du bon mot, du cabotinage, c’est une désolation. Farid Chopel entreprend de raconter sa vie. Avec distance, avec silences, avec élégance. Et on rencontre un homme.

C’est ça, le théâtre : on rencontre de l’humanité. Sur le plateau, et en nous. Et on s’agrandit.

Farid Chopel est d’origine kabyle - sauf que ses origines, lui, il les situe en Lorraine et en banlieue parisienne. Ah. Parce que la Kabylie, c’est l’affaire des prédécesseurs, ce qui a marqué son enfance, ce sont les vacances chez un tonton lorrain, et sa vie dans ce qui n’était pas encore qualifié de zone sensible. Chopel ne donne pas vraiment dans le communautarisme.

Pas d’islam, pas de nostalgie, il est d’ici, et ce qui est sans doute le plus important pour lui, c’est l’absence du père, c’est d’avoir porté les rêves de la mère et de la grand-mère, lui, il aura de l’instruction, c’est d’avoir découvert le théâtre via l’atelier-théâtre au lycée. Une vie qui se raconte, qui se met en scène, sans donner dans le naturalisme, sans donner dans le pathos, c’est un sacré cadeau : parce qu’on n’est jamais voyeur, on élabore notre émotion, on ne s’identifie pas avec sentimentalité, on est à l’écoute de l’autre, qui nous permet, par sa stylisation, par son calme, par sa magnifique tenue, de reconnaître qu’il existe, singulier et commun... Quand Chopel en vient au moment où ça ne va plus, où le succès le déborde, et où il passe ses soirées en boîte, à boire, il évite la complaisance, la plainte, ou le mépris de soi, il donne à voir, et à relier discrètement au reste, et c’est sourdement bouleversant, mais la vie demeure, et le théâtre, et il finit tranquillement, en fumant une cigarette, et en rappelant les mots de Jouvet dans Entrée des artistes, il faut mettre de la vie dans l’art et de l’art dans la vie, et il faut y croire, et voilà, ce n’est pas Show must go on, c’est On doit rester humain, il y a des moments de musique, et de la rêverie, et du murmure, on n’est jamais complices, on tombe en amitié pour un artiste qui nous montre son chemin.
C’est à l’opposé de toutes les Star’Ac, de toutes les odes à soi, de l’intime déballé comme allant
de soi, l’authenticité est mise en forme, ce qui permet une vérité à partager, on est sorti touché, réjoui, respectueux, et fraternel.

Farid Chopel dans le Pont du milieu.

Théâtre du Samovar, Bagnolet, jusqu’au 21 novembre.

Chronique d'Evelyne Pieillet

Contacts : écrire à f.chopel@voila.fr et simultanément à farid.chopel@farid-chopel.com