Farid
Chopel : une silhouette, une époque
Il
a traversé les années 80 avec élégance
et humour. Le comédien Farid Chopel est décédé
à 55 ans d'un cancer foudroyant. Son retour sur scène
en 2004, après dix ans de galère, nous avait
enchanté.
Personne n'oubliera sa longue silhouette dégingandée,
sa gestuelle à la souplesse animale, son humour surréaliste.
Le comédien Farid Chopel est décédé
d'un cancer foudroyant dimanche 20 avril. Après une
longue absence, il était revenu sur scène, en
2004 dans un one-man-show autobiographique, Le Pont du milieu.
Il semblait n'avoir pas changé, mais Farid Chopel revenait
de loin, de dix ans de galère durant lesquels il était
« ailleurs » nous avait-il expliqué alors,
et avait bien failli perdre la raison, dérivant de
cure de désintoxication en coma éthylique.
Pourtant,
tout avait bien débuté. Trop peut-être.
Son enfance de jeune Beur ? Joyeuse, se souvenait-il, en dépit
de la pauvreté qui le faisait habiter avec sa mère
et sa grand-mère dans une minuscule chambre d'hôtel
meublé du 18e arrondissement. Sa scolarité chez
les frères ? Un très bon souvenir malgré
la discipline ; il est souvent premier de la classe, y compris
en catéchisme... Le racisme ? Il ne l'a jamais ressenti,
même à l'époque de la guerre d'Algérie.
Sa carrière, elle, avait commencé de manière
fulgurante, en 1978, avec Chopelia, one-man-show où
il campait un employé de bureau américain qui
s'évade par le rêve d'une vie étriquée.
Suivront Les Aviateurs, avec Ged Marlon, parodie burlesque
des films hollywoodiens des années 50 mythifiant les
pilotes US : un triomphe.
Réussite
au cinéma aussi, où son personnage de forte
tête dans L'Addition, de Denis Amar, en 1984,
a marqué les mémoires. Tout comme une publicité
pour une eau minérale gazeuse dont on lui parle encore.
« J'avais été très gâté,
il fallait bien que je paye un jour. » Il avait
ensuite sombré dans l'alcoolisme jusqu'au moment où
il avait réalisé que son avenir se jouait entre
l'asile psychiatrique et le cimetière. A sa volonté
farouche de s'en sortir s'était ajouté une rencontre
déterminante avec un psy, dont la confiance lui avait
permis de se reconstruire, et le soutien de sa compagne, toujours
présente, en dépit de ce qu'il lui a fait vivre
car « l'alcool rend bête, méchant et
odieux ».
Le
public, non plus, ne l'avait pas abandonné. Sans
promotion, Le Pont du milieu avait rencontré
le succès en 2004. Farid Chopel n'en revenait pas,
d'autant que pour la première fois, il doutait : «
Avant, j'étais naïf, insouciant, j'ai mis du temps
à devenir adulte. » De ce parcours chaotique
était né un spectacle sincère, pudique.
Très souvent drôle, jamais misérabiliste.
Il avait repris la formule de Louis Jouvet - un de ses acteurs
préférés - dans le film Entrée
des artistes, bien décidé à «
mettre un peu d'art dans sa vie et un peu de vie dans son
art »."
Il y a quelques semaines, Ged Marlon, son complice
des Aviateurs, nous confiait linciter à
préparer un nouveau spectacle. On sétait
alors pris à rêver du jour où on retrouverait
Farid Chopel sur scène, sa silhouette dégingandée,
son humour pudique, son élégante auto-dérision.
Depuis Le Pont du milieu, un de nos plus bouleversants
souvenirs de théâtre, il nous manquait déjà.
Aujourdhui, il nous manque encore plus.
Michèle
Bourcet
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