Le Pont du milieu,
Théâtre le Samovar,
165, av. Pasteur, 93 Bagnolet,
01-43-60-76-46, www.lesamovar.net
Du 28 oct. au 21 nov., du mar. au sam. 20h30, dim. 17h. (12-18,70
€).
P
r e s s e
Télérama
- 22 octobre 2004 Chopel,
le retour en force
Farid Chopel, comique apaisé, dans "Le
pont du milieu"
Personne
n'a oublié sa longue silhouette dégingandée,
sa gestuelle à la souplesse animale, son humour surréaliste.
Après une (trop) longue absence, Farid Chopel revient sur
scène dans un one-man-show autobiographique. Il semble n'avoir
pas changé. Pourtant...
Rendez-vous est pris dans un café du 11e arrondissement,
le Philosophe, lieu idéal pour rencontrer un serein quinquagénaire.
Son enthousiasme est intact. Retrouvé, plutôt, après
dix ans de galère. Dix ans durant lesquels Farid Chopel était
"ailleurs", comme il dit avec pudeur. Un ailleurs où
il a bien failli perdre la raison, dérivant de cure de désintoxication
en coma éthylique. Il reconnaît être l'unique
acteur de cette entreprise de destruction - "personne ne m'a
poussé, je suis le seul responsable" - et n'est pas
du genre à se chercher des excuses ni à crier à
l'indifférence des gens du métier : "Pourquoi
m'auraient-ils aidé ? D'abord, il aurait fallu qu'ils me
trouvent." Une manière presque légère
d'évoquer cette période d'errance où boire
n'était pas un plaisir, juste un moyen de "s'arracher
la tête" pour tenter de voir plus clair dans sa vie.
Pourtant, tout avait bien débuté. Trop peut-être.
Son enfance de jeune Beur ? Joyeuse, en dépit de la pauvreté
qui le faisait habiter avec sa mère et sa grand-mère
dans une minuscule chambre d'hôtel meublé du 18e arrondissement.
Sa scolarité chez les frères ? Un très bon
souvenir malgré la discipline ; il est souvent premier de
la classe, y compris en catéchisme... Le racisme ? Il ne
l'a jamais ressenti, même à l'époque de la guerre
d'Algérie. Sa carrière, elle, avait commencé
de manière fulgurante, en 1978, avec Chopelia, one-man-show
où il campait un employé de bureau américain
qui s'évade par le rêve d'une vie étriquée.
Suivront Les Aviateurs, avec Ged Marlon, parodie burlesque des films
hollywoodiens des années 50 mythifiant les pilotes US : un
triomphe. Réussite au cinéma aussi, où son
personnage de forte tête dans L'Addition, de Denis Amar, en
1984, a marqué les mémoires. Tout comme une publicité
pour une eau minérale gazeuse dont on lui parle encore. "J'avais
été très gâté, il fallait bien
que je paye un jour." Il sombre dans l'alcoolisme jusqu'au
moment où il réalise que son avenir se joue entre
l'asile psychiatrique et le cimetière. A sa volonté
farouche de s'en sortir s'ajoutent une rencontre déterminante
avec un psy, dont la confiance lui permet de se reconstruire, et
le soutien de sa compagne, toujours présente, en dépit
de ce qu'il lui a fait vivre car "l'alcool rend bête,
méchant et odieux".
Le public, non plus, ne l'abandonne pas. Programmé en août
dernier, au Lavoir moderne parisien, sans promotion, Le Pont du
milieu affiche complet. Farid Chopel n'en revient pas, d'autant
que pour la première fois, il doutait : "Avant, j'étais
naïf, insouciant, j'ai mis du temps à devenir adulte."
De ce parcours chaotique est né un spectacle sincère,
pudique. Très souvent drôle, jamais misérabiliste.
Désormais, reprenant la formule de Louis Jouvet - un de ses
acteurs préférés - dans le film Entrée
des artistes, Farid Chopel est bien décidé à
"mettre un peu d'art dans sa vie et un peu de vie dans son
art".